Apr 24
Manifeste des glocalistes
Nous sommes des glocalistes :
1. parce que nous savons qu’en changeant notre notion du temps et de l’espace la technologie a transformé le monde en un tout
2. parce que nous savons que dans le monde de la connaissance, c’est l’innovation qui scelle la rencontre du savoir et du povoir pour déterminer mœurs, valeurs, histoire
3. parce que nous savons qu’innovation est à la fois synonyme d’opportunités et de menaces
4. parce que nous savons que lorsque les dimensions temporelle et spatiale sont réduites à zéro la mobilité l’emporte sur la fixité
5. parce que nous savons que mobilité est synonyme de flux, réseaux, relations nodales indépendantes du territoire et de ses frontières
6. parce que nous savons que des relations sans bornes changent la notion de lieu, le rapprochant de celle de point nodal et inaugurant un nouveau rapport entre global et local : grâce aux réseaux, le global entre dans tous les lieux (loci) et chaque lieu (locus) s’inscrit directement dans la dimension globale
7. parce que nous savons que ce nouveau monde glocal sera notre monde et notre destinée
Mais nous n’ignorons pas:
8. que glocalisme ne doit pas signifier homologation, manque d’appartenance, macdonalisation, déséquilibres, catastrophes écologiques
9. que pour contrer ces menaces, on aura de plus en plus besoin de politiques innovantes et de nouvelles institutions
10. que politiques innovantes et nouvelles institutions sont synonyme de nouveaux pouvoirs
11. que dans un monde caractérisé par la mobilité, le recours légitime à la force et le contrôle du territoire perdront progressivement d’importance
12. que pour tirer parti de la dimension globale tout en protégeant la dimension locale, les frontières, les nationalités, les souverainetés et les localismes subsidiaires ne sont d’aucune utilité
13. que la fin des nationalismes ne doit pas aller de pair avec la disparition des identités culturelles, ethniques, territoriales
14. que les mouvements sociaux sont les premiers acteurs du village global
15. que la gestion de la mobilité et du territoire doit reposer sur de nouvelles relations politiques
16. que l’entreprise l’entreprise est l’institution centrale au sein de laquelle économie et vie en commun s’accordent
17. que l’entreprise est soumise aux rrègles des marchés mondiaux
18. que sur ces marchés les populations d’entreprises oeuvrent à l’échelle planétaire dans le cadre de réseaux fonctionnels interconnectés
19. que ces fonctions entraînent des flux de biens, de personnes et de relations qui échappent en partie à des considérations territoriales
20. que les institutions politiques nationales ou régionales traditionnelles sont de moins en moins capables de conditionner ces relations
21. que seules des institutions glocales nouvelles reliant les entreprises globales et les populations d’entreprises locales peuvent jouer un rôle de médiateur entre l’économie globale et la vie commune locale
22. que la crise de l’Etat-nation dans son rôle de régulateur est irréversible et seule une innovation institutionnelle profonde pourra nous sauver
Aussi revendiquons-nous :
23. une nouvelle forme de gouvernance où les différents individus, ethnies et nations puissent cohabiter sur un pied d’égalité ; où les communautés territoriales et les communautés de pratiques puissent croiser leurs intérêts et leurs fonctions ; où les réseaux et les territoires soient organisés sans conditionnement de nature nationaliste ou localiste
24. une nouvelle citoyenneté fondée sur l’appartenance plurielle
25. la possibilité de se sentir à la fois cosmopolite, italique, européen, méditerranéen, italien, italien du nord, milanais, catholique, musulman, libéral, socialiste, technicien, lettré, Milanist ou Interist, etc., sans pour autant perdre son identité politique
26. la possibilité de cultiver ces nouvelles appartenances identitaires, individuellement ou au sein d’une communauté
27. un type inédit de laïcité spatiale régissant les nouvelles formes de mobilité, car nous sommes conscients qu’une existence vécue dans la pluralité d’appartenance et dans une multitude de lieux est plus authentique et riche que tout sectarisme monocorde
28. la possibilité d’opérer librement à l’intérieur de la structure riche et dynamique des réseaux fonctionnels et territoriaux que le monde glocal s’apprête à nous offrir
29. une nouvelle gouvernance cosmopolite, indispensable pour assurer dans un monde glocal la paix et le respect des droits, de la justice, de l’environnement.
Pour réaliser tout cela, nous sommes prêts à remettre en cause:
30. notre identité actuelle et notre subjectivité politique, pour aboutir à de nouveaux équilibres en termes de représentation et de gouvernance
31. notre rapport traditionnel au territoire, pour nous préparer à l’arrivée de nouveaux migrants, que nous rencontrons déjà grâce à la mobilité des populations
32. nos institutions locales et nationales actuelles, pour les transformer et en même temps les adapter aux nouveaux besoins que l’avènement d’un monde glocal et le déclin de l’Etat-nation vont inéluctablement engendrer
Ainsi, nous souhaitons œuvrer pour l’affirmation :
33. d’une nouvelle pensée, de nouveaux sujets, de nouvelles institutions et pratiques politiques susceptibles de jouer le rôle d’initiateurs et de leaders dans la nouvelle ère glocale
34. de nouvelles agrégations auxquelles un tel parcours devra donner corps et voix
35. de nouvelles relations entre fixité et mobilité des choses, des personnes, des idées
36. de règles de cohabitation pouvant concilier les impératifs de l’efficacité et de la démocratie dans les nouvelles communautés de pratiques et de fonctions, à l’échelle globale et locale
37. d’une nouvelle configuration urbaine animé par les glocal-cities naissantes là où les nouveaux réseaux fonctionnels rejoignent les anciennes agrégations urbaines d’une manière nouvelle
38. d’une nouvelle géographie politique sub-nationale que les agrégations régionales sont en train de dessiner un peu partout
39. des institutions correspondantes et de leurs nouveaux pouvoirs
40. des nouvelles dimensions de gouvernance méta-nationales surgissant dans le monde, à commencer par l’Europe
Nous lançons cet appel depuis Milan :
41. car nous sommes conscients que la Cité est née en Europe
42. car la reconstruction de l’unité européenne ne se fera pas en réunissant ses composantes régionales et métropolitaines selon les schémas imposés par l’avènement des Etats-nations
43. car l’intégration et le rééquilibrage entre les régions fortes et les régions plus fragiles d’Europe ne pourront être confiés uniquement au pouvoir unifiant des Etats-nations, mais devront passer par la création de nouveaux réseaux fonctionnels interrégionaux non nécessairement contigus
44. car l’appartenance de l’Italie à l’Europe sera modulaire : les régions du nord, du centre, du sud et les îles établiront des relations nouvelles avec leurs homologues continentales et globales
45. car dans de telles conditions la glocal-city dans laquelle nous vivons - que nous appelons Milania et qui n’est rien d’autre qu’une portion de plus la vaste plaine du Pô - ne peut manquer de jouer un rôle de relais entre tout le pays et l’Europe
Un travail de longue haleine s’impose:
46. pour mieux comprendre, dessiner, organiser et doter d’institutions nouvelles la grande conurbation dans laquelle nous vivons
47. pour caractériser sa nouvelle identité, encore qu’embryonnaire
48. pour tisser de nouveaux liens entre celle-ci, le reste d’Italie et l’Europe
49. pour permettre aux nouvelles institutions glocales en puissance, telles que les Chambres de commerce, les Fondations bancaires, les collectivités territoriales (Provinces et Régions) et les Agences locales, d’établir des relations plus solides avec les multinationales, les grands établissements bancaires, les groupements de PME, bref avec tous les sujets qui ont déjà relevé le défi du glocalisme
50. pour faire en sorte que les milliers d’associations et d’organisations de services qui nourrissent la dimension locale de l’agglomération milanaise apprennent à se connecter au maillage de plus en plus dense des réseaux fonctionnels qui les traversent à une échelle glocale
51. pour stimuler les centres où foisonne notre vie culturelle, afin de les rendre conscients que tout processus de glocalisation comporte un niveau d’innovation très élevé
52. pour apporter de l’efficacité et de l’ordre à la myriade de réseaux qui alimentent notre métropole, aux milliers d’entreprises qui l’animent et à toutes les formes de mobilité qui la rendent vivante
53. Ainsi, nous lançons notre appel à tous ceux qui partagent nos idées et nos ambitions
54. car il s’avère nécessaire de mieux appréhender la réalité dans laquelle nous vivons
55. de former des générations entières aux défis qui se profilent devant nous
56. de faire naître de nouveaux sujets capables d’inscrire leur action politique dans le nouveau monde glocal
57. de faire en sorte que les milanais réagissent face aux challenges de la glocal-city qui est la leur
58. de faire en sorte que les italiques du monde entier renouent avec un sentiment d’appartenance qui transcende, sans la renier, leur identité d’italiens, tessinois, saint marinais, dalmates, pour rejoindre tous ceux qui – canadiens, états-uniens, latino-américains, australiens, immigrés non communautaires en Italie, etc. – sont prêts à se reconnaître italiques au motif de leurs origines, de leurs intérêts, de leur culture, de leurs valeurs
59. de lancer tous ensemble la construction des nouvelles institutions et de la nouvelle gouvernance que le monde glocal rend indispensables
60. En d’autres mots, il y faut une politique glocaliste
Telle est le projet dans lequel nous sommes investis!
Piero Bassetti, président de Globus et Locus
Milan, le 7 janvier 2008